le rouge et noir

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LE BELEM

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jeudi 24 septembre 2015

Mon homme des montagnes



Entre France et Italie était son royaume, et toi le Mont Pourri tu étais son sommet préféré. Pourquoi toi, il avait dû me le raconter lors d'une de ces soirées que l'on passait après les descentes en skis ou au retour d'une randonnée, allongés près du feu qui crépitait dans la cheminée. Peut-être à cause de ton nom peu flatteur, tandis que tu es le second sommet de la Vanoise, dont la beauté mérite le détour.

L'hiver, il passait ses journées sur le haut des pistes, dans un de ces chalets avec une croix rouge, près à intervenir en cas d'accident. Parfois, lorsque le temps le permettait, on se retrouvait pour manger près des bergeries que l'on devinait à peine sous la neige. Chaque jour, en fin d'après-midi, je montais vers son « bureau » et ensemble nous assurions la fermeture des pistes.


L'été, c'était dans les alpages au milieu de son troupeau de Tarines, qu'elles étaient belles avec leurs yeux maquillés.

J'étais encore au pays des rêves, lorsque sans bruit, il partait dans les alpages pour la première traite. A son retour, il me préparait un délicieux petit déjeuner avec ce lait tout chaud que venaient de lui donner ses vaches, et ce bon pain, dont lui seul avait la recette. Puis c'était la préparation des sacs pour les randonnées. De quoi se nourrir et boire, de la crème solaire du baume à lèvre, pour moi, lui, il y a longtemps qu'il n'en avait plus besoin, vivant dehors 12 mois sur 12, lunettes de soleil, casquettes, gants, bonnets. Il prenait toujours son piolet, une corde, des anneaux, la trousse médicale et un talkie walkie, les téléphones portables n'existaient pas encore.

Malgré sa connaissance de la montagne et même par grand beau temps, il prévenait toujours quelqu'un de notre destination. Il connaissait le nom de chaque monts et aiguilles qui nous entouraient, chaque nom de fleurs. Il savait trouver le chamois, je crois que depuis j'en ai jamais revu. Durant ces cinq années de notre complicité, je ne saurais dire combien de lieux magnifiques, j'ai découvert grâce à lui. Le seul impératif, était d'être de retour pour la traite de fin de journée, parfois, il confiait cette mission à un autre berger, lorsque nos crapahutages, nous imposaient de passer une nuit en refuge.

Il était plus qu'un ami, mais il a su attendre que je devienne une adulte, pour que cet amour qui nous liait, ne soit plus platonique. Mon bac en poche, j'ai commencé à travailler à Paris, et je n'ai pas pu monter dans ses montagnes cet hiver là. L'été n'ayant eu qu'une semaine de vacances, je suis descendue chez amatxi. Il devait m'y rejoindre, car en Euskadi, il y a aussi de beaux sommets à découvrir et en plus il y a l'océan. Mais une catastrophe venait d'arriver, qui allait changer le cours de sa vie, de notre vie. Un incendie avait ravagé la ferme et son troupeau avait périt. Lorsque j'ai pu , le rejoindre, il semblait serein, comme si rien n'avait changé. Il avait transformé ma chambre en bureau, dorénavant nous partagions la même couette. J'avais le projet de trouver du travail dans la station, maintenant que j'avais de l'expérience. Lorsque je lui en ai parlé, il m'a dit qu'il allait reprendre ses études de médecines, qu'il avait abandonné, au décès de son père pour s'occuper de ses vaches. Qu'il fallait peut-être mieux, que je reste à Paris en attendant qu'il ai son diplôme et savoir où il exercerait.
La dernière fois qu'il m'a accompagné à la gare, il n'a pas pu me laisser à Bourg Saint Maurice, j'ai bien cru, qu'il allait m'amener jusqu'à Paris. Mais mon montagnard, loin de ses sommets, ce n'était guère imaginable. A Chambéry nous nous sommes séparés. Quelques jours après, j'ai reçu une lettre venant de lui. Il ne m'avait jamais dit «  je t'aime », ce n'était pas son genre. Dans cette lettre, il exprimait les sentiments très forts qu'il avait pour moi. Qu'il ne supporterait pas, si un jour je m'éloignais de lui, et c'est la raison pour laquelle, il avait pris la décision de partir avec une association humanitaire pour plusieurs mois, deux ans au maximum. Ainsi à son retour, je ne serais plus une jeune fille, j'aurais murie, et que je prendrais conscience, si j'étais vraiment prête à m'enterrer en pleine nature avec un vieux berger sans troupeau.
Il a attrapé une grave pathologie, dans un de ces pays où il manque de tout. Un avion sanitaire était prêt à décoller avec lui à son bord, mais au moment où il devait embarquer, une femme est arrivée avec son enfant, qui devait subir une intervention chirurgicale dans les plus brefs délais, sinon ses jours étaient comptés. Il a laissé sa place à cet enfant, malgré la protestations de ses collègues qui lui disaient qu'il serait plus utile guéri que malade, Mais c'est qu'il était têtu, mon homme des montagnes, il a donc attendu le prochain vol sanitaire. S'il a été conscient au décollage, à l'atterrissage il n'était plus là, il avait rejoint les anges.

Ce soir le Mont Pourri, son sommet préféré, me regarde, lui qui se montre rarement, comme s'il me demandait pourquoi ne poses-tu pas tes valises ici, près de moi, de lui. C'est vrai que tu es beau et que j'ai vécu de merveilleux moments, sous ton œil attentif, que ma vie serait sûrement meilleure que dans la région parisienne, mais ce qui est possible grâce à l'amour, ne l'ai pas quand il est absent. Si ma destinée était de vivre dans les montagnes, mon berger serait revenu. Et l'appel de l' Océan est si fort que même toi du haut de tes 3779 mètres, et tes neiges éternelles ne pourront rien y faire. Il y a trente deux ans, il m'avait donné deux ans pour devenir une femme, aujourd'hui, je te le dis à toi, sa montagne, je me donne deux ans pour concrétiser mon projet et vivre auprès de ton grand rival l' Océan Atlantique.



dimanche 6 septembre 2015

Le retour du Capitaine

Le retour du Capitaine

Il y a deux ans le Poséidon, partait pour un long voyage dans des eaux lointaines. Il a laissé un grand vide, les desserts de Bosco, les aventures que nous racontait Rackham le rouge en fumant sa pipe, tout en se prélassant dans son hamac, nous manquaient terriblement. A l'annonce de ce départ, mon pirate et moi, nous voulions rester dans le sillage du Poséîdon. 

Si au début tout était parfait à bord, au fur et à mesure que les jours passaient, il n'y avait guère de dépoussiérage à faire. Lors d'une escale, j'ai aperçu une jolie Goélette, dont l'équipage pour une raison mystérieuse avait abandonnée là. Mon pirate après l'avoir inspectée, a décidé d'en prendre possession, et en quelques jours avait trouvé de vaillant matelots, et me coiffa d'un tricorne. La vie de Capitaine n'est pas si facile, surtout quand on est une femme. Combien de fois, j'ai prié, pour croisé ce capitaine à la barbe rousse, pour qu'il m'apprenne toutes les ficelles de ce beau métier.




Lorsque je rentrais dans ma cabine, prendre un peu de repos, et consulter les dernières nouvelles de nos océans, il n'y avait guère de mouvement. Il n'y avait plus cette envie de naviguer. Il nous faut des challenges, des navires à saborder, affronter des tempêtes pour vivre pleinement nos vies de moussaillons, de marins. Et il faut bien avouer que notre capitaine savait se mettre dans des situations, qui ne pouvaient nous laisser de marbre. Il y a quelques jours, tout en prenant le soleil, j'observais l'horizon avec ma longue vue, lorsque j'ai cru voir, ce navire, que je pensais perdu à jamais. Pour effacer cette image, j'avais décidé, de publier un bulletin et là dans l'actualité un mot : Hello. Notre capitaine est de retour. Que d'histoires, il doit avoir à nous conter.



Moussaillons à Bâbord toute, droit sur le Posseïdon, mais pas de sabordage.